Aymeric Deleplanque a 44 ans et vit à Lille, en France, avec sa femme et ses trois enfants. Dans la vie quotidienne, il loue des appartements en tant qu'agent immobilier. Mais derrière cette image tout à fait normale se cache un athlète de haut niveau. Aymeric est ce qu’on appelle un ultra-sportif. On pense alors généralement aux marathons, voire au triathlon ou à l'ironman. Mais non, nous parlons ici d'une discipline encore plus exigeante: l'ultra-trail.
"Si tu dors, tu n'avances pas"
“L’ultra-trail, c’est du sport extrème, de grande endurance”, raconte Aymeric, “C’est la course à pied sur un parcour très exigeant.” En septembre 2025 il a participé au TOR De Géants, un ultra-trail en Italie, autour du Mont Blanc. Les participants parcourent 360 kilomètres, avec 25 km de dénivelé positif. Ils le font avec un petit sac à dos et peu de nourriture, en grande partie livrés à eux-mêmes. “J’ai fait ça en 133 heures”, dit-il avec une grande modestie, “On dort le moins possible. J’ai dormi 5 heures et 30 minutes. Si tu dors, tu n’avances pas.”

Le côté obscur des sports extrêmes
Aymeric se prépare à un ultratrail en suivant un programme d'entraînement rigoureux. Il court souvent jusqu’à 100 km par semaine, en ajoutant encore des entraînements fractionnés. Mais quand il se présente au départ de la course, il ne sait jamais si s’il est prêt ou pas: “Le mot 'résilience' est très important pour moi. Au bout d’un certain nombres de kilomètres, on a des cerveaux qui ne marchent plus très bien. Quand on est tellement fatigué, le corps humain fournit toute l’énergie nécessaire aux muscles, mais plus au cerveau.”
Il touche là un élément méconnu de l'ultra-trail. Tout le monde pense automatiquement au prix physique qu'un ultra-trail exige d'un être humain. Mais pour certains coureurs, cela n'est rien comparé aux conséquences mentales. “Mentalement, je souffre énormément, et pour ça je n’y étais pas préparé”, dit Aymeric. Bien que la compétition soit terminée depuis deux mois, il est encore complètement épuisé: “Je dors beaucoup plus que d’habitude, je suis toujours fatigué. Et surtout, mon cerveau ne fonctionne plus comme avant. J’oublie tout, je dois noter toutes mes activités, et c’est à cause de cette course.”
La perte de mémoire a un impact sur la vie quotidienne d'Aymeric, qui a au niveau professionel 300 logements en location à gérer: “Depuis le TOR, il faut que je note toutes mes choses à faire sur un to do list très détaillé et que je barre quand c’est géré.” Mais pour sa famille, c’est encore plus compliqué: “Au debut, quand je n’avais pas trop conscience des pertes de mémoires, ma famille pensait toujours que j’étais bourré, ce qui n'était bien sûr pas le cas. Ils ne m'accompagnent pas vraiment, car je leur cache en orientant mes questions quand je ne sais plus à quelle heure je dois récupérer mes enfants.”
Aymeric est un exemple rare de personne capable de repousser ses limites physiques et mentales jusqu'à l'extrême. Mais on peut se demander si un sport tellement extrème est réellement bon pour la santé. “À ce jour, je n'ai pratiquement aucun souvenir de la compétition”, explique Aymeric, “Les problèmes que je rencontre actuellement touchent 50% des participants, mais après six mois, les symptômes disparaissent généralement.”

Le désir de continuer?
S’il va encore faire des ultratrails à l’avenir, Aymeric ne sait pas encore: “Je veux toujours augmenter la difficulté. Il faut donc que je trouve une compétition encore plus dure qu’avant.” Où tire-t-il la motivation pour faire tout cela? “Je ne sais pas la réponse. J’y réfléchis souvent. L’ultratrail, c’est ma passion. C’est comme une drogue. Si un jour cette drogue s’arrête, je vais devenir fou.” Aymeric est pris dans une situation dans laquelle il veut consacrer son énergie à sa passion, mais au même temps il sait que faire un autre ultra-trail va laisser beaucoup de trace sur la vie de sa famille. “Moi, j’en ai envie, j’en ai même besoin. Mais ma famille, non. C’est très égoïste, donc je ne sais pas.”
Le témoignage d’Aymeric est à la fois effrayant et inspirant. Toujours, il part à la recherche d’un nouveau challenge, même lorsque celui-ci paraît impossible aux yeux des autres. Et oui, le prix qu’il paie pour vivre sa passion est élevé. Mais chaque fois qu’il touche ses limites, dans son corps comme dans sa tête, il trouve encore la force de se relever. Cette résilience mentale est sans doute la part la plus essentielle de son caractère.
